mardi 22 septembre 2015

On prend nos marques


La vie suit son cours à Mayotte, entre boulot, sorties bateau, plongées, randos, et repas entre amis. Maintenant que nous sommes bien installés (on a nos  meubles, internet, le téléphone, le lave-linge !), on se sent bien chez nous.



Au boulot, on s'acclimate. Bien sûr, on ne connait toujours pas le prénom de nos élèves. Ce qui donne « Hé toi là-bas, avec le tee-shirt vert »,  « Oui, toi, pieds nus, on a dit de venir avec des chaussures. Elles sont où les tiennes ? » Agathe a même sorti un : « Hé toi, en noir, vient ici ! » Le petit avait de l’humour, et lui a répondu « Hé madame, qui ça ? On est tous en noir ici ». Sourires garantis.

Dans le nord, nos élèves sont plutôt sympas. Ils ne répondent pas, et ne disent rien quand on les punit. Alors que dans les collèges du côté de Mamoudzou, la capitale, on retrouve des comportements d’élèves de banlieue de métropole. Insolence, violence physique… Normal, les collèges sont pleins à craquer. Ça déborde d’élèves, ils sont jusqu’à 1800 dans un même établissement (prévu pour en accueillir la moitié…). Nous, à côté, avec nos 1300 élèves, on ne dit rien. On fait partie des « petits bahuts ».
Ce qui nous a fait bizarre, avec les élèves, c’est le tutoiement. « Monsieur, tu viens voir s’il te plait ? ». C’est original. Ça ne traduit aucune forme d’irrespect. C’est naturel, et ça nous plait. J’ai eu droit à « Monsieur, t’es fragile toi » après m’être brulé l’avant bras avec le frottement d’une sangle pour attacher les filets de badminton. « Monsieur, t’as fait bac plus combien ? Ah, quand même ?! Je croyais que pour faire ce que tu fais, il fallait juste s’inscrire au collège ».

Parmi mes classes, j’ai une sixième où sont regroupés les élèves qui ne savent pas lire ni écrire le français. Une instit accompagne les profs dans chaque matière et assure un soutien pour ces élèves. En EPS, je n’ai pas cette instit. Les élèves sont mignons. Quand je demande s’ils ont compris les consignes, ils me répondent un grand « OUI ! » tous en cœur. Cet aprem, en natation dans le lagon, je leur explique : voici le départ dans le sable. Par équipe de trois, le premier court, entre dans l’eau, nage jusqu’à la ligne de bouées, TOUCHE la ligne sans l’arracher, puis revient le plus vite possible taper dans la main du second qui démarre. C’est une course. L’équipe la plus rapide a gagné. C’est bon pour vous ? « OUI ! ». J’insiste bien sur le « on TOUCHE la ligne de bouée, on ne l’attrape pas dans les mains », car elle n’est pas fixe, c’est le maitre nageur qui l’a posée pour marquer la limite de notre périmètre. Je lance le départ, ils sont six à entrer dans l’eau en même temps. Arrivés à la ligne de bouées, j’en vois deux ou trois qui la touchent du bout des doigts, et qui s’arrêtent. Je crie « demi-tour, vite, il faut revenir toucher la main du suivant ». A ce moment arrive Mohamed, le grand costaud, qui saisit d’une pleine main la ligne de bouées, la soulève de toute sa longueur de bras et crie en l’arrachant « Ouais ! On a gagné ! ». J’arrête la course, je les rassemble. « Les filles, pourquoi vous n’avez pas fait le retour ? » Des grands yeux me regardent. Mohamed, j’ai dit « on TOUCHE la ligne, d’accord ? Puis on retourne vite vers son équipe ». Il me répond : « Toucher, ok, courir vite, ok». Je pense qu’il a compris. On recommence, tout marche à merveille. Ouf. C’était le premier exercice. Il en reste trois avant de faire nager le deuxième groupe.

La semaine dernière, Agathe a expérimenté la rencontre parents-profs de son collège. Elle a découvert qu’il fallait un traducteur, car quasiment aucun parent ne parle français. C’était un de ses collègues, un prof mahorais qui traduit le Shimaoré ou le Shibushi, les deux langues locales. Ce qui est drôle, c’est qu’un village sur deux ne se comprend pas car ces deux langues sont complètement différentes. Par exemple, notre village, Hamjago, parle le Shibushi (dialecte d’origine malgache), alors que le village voisin, M’tsamboro, parle le Shimaoré, la langue mahoraise. 

On s'équipe avant de plonger

Notre première sortie en plongée nous a motivé à nous inscrire pour passer le niveau 2. On a eu l’occasion de voir des murènes, un poisson-trompette, des tortues, des poissons en pagaille, et un requin nourrice (le seul type de requin qui peut dormir planqué sous le corail. Les autres sont obligés de nager continuellement, même pour dormir). 

Poisson-trompette

Agathe

Gaterin oriental

La murène...

... qui montre les dents

Poisson cocher

Le requin nourrice, qui dort caché sous le corail



Dimanche dernier, on a loué un bateau avec des potes qui ont le permis (moi, je le passe très bientôt !). On est allé chercher des baleines, car c’est la période où elles viennent prendre des forces avant leur grande migration. On en a vu deux, mais d’assez loin. On a eu droit à un saut intégral (certains n’ont vu que le splach de la fin, c’est mieux que rien…). On n’était pas les seuls bateaux à les suivre à distance, et on les a agacées, elles sont parties. Des dauphins sont venus jouer avec les vagues du bateau, puis on s’est arrêté sur plusieurs plages, pour nager, pique-niquer, nager encore…

On n'est pas les seuls à suivre les baleines

Les dauphins qui nous suivent

Petite pause sur une plage

L’îlot Choizil, juste en face de chez nous. On aperçoit notre village au loin.

Cette plage n’apparaît qu'à marée basse. On s'y est garé, elle était rien que pour nous!






Cette semaine, on vient d’apprendre que le jeudi est férié. En plus des congés français, s’ajoutent les congés des fêtes musulmanes. Jeudi, c’est l’Aïd el kébir, donc on ne travaille pas.

Dans le prochain article, on vous présentera notre petit chez nous…

A bientôt !

La vie est belle,


Max et Agathe. 



lundi 7 septembre 2015

Une rentrée à Mayotte



Coucou !

Et voilà, la rentrée est arrivée, on a repris les cours mais… ici on a toujours l’impression d’être en vacances !
Une journée-type ici, c’est quoi ?
Réveil 6h pour Max qui travaille plus loin que moi, le petit déjeuner se fait sur la terrasse devant le lagon (à 6h du matin, on profite de la fraicheur des 23 degrés !). Ensuite, on part au boulot (qui commence à 7h pour max et 7h30 pour moi), là encore le lagon est toujours présent… 

Les installations du collège d'Agathe


J’entame d’ailleurs un stage kayak la semaine prochaine avec mes élèves de 3° et Max aura également un cycle de kayak dans le lagon.
Voilà venu le moment de faire l’appel et là c’est dur, très très dur… : « Mouhamadi, Marcina Day Baou, Ilimati, Belihadji, Yakfinah, Habyl-Housseine,  Assadillahi, Yousrah Bilkis, Faouzil-Moubine, Dhintoimarayne,… ». Voilà quelques-uns des prénoms de nos élèves. Je pense qu’au bout d’une semaine, si j’en connais une dizaine sur mes 160 élèves c’est beaucoup ! Et là, on envie les profs des autres matières qui ont la petite pancarte en carton sur la table de chaque élève avec leur nom et prénom. En plus, certains élèves changent parfois de prénom en cours d’année (on n’a pas encore compris pourquoi, mais ça se fait ici !). Autant vous dire que ça va être un des points compliqués de notre boulot : retenir les prénoms.  Alors, on essaie d’avoir des petits subterfuges en leur demandant : « euh… faut vraiment t’appeler par tes deux prénoms ou je peux en choisir un seul ? », « T’aurais pas un petit surnom plus simple par hasard ? ».
On a une pause d’une heure pour manger le midi entre 11h30 et 12h30 environ puis les cours se terminent vers 16h30.  Comme on a des emplois du temps sympas, on a au minimum un jour de libre chacun en plus du week- end et on finit quasiment tout le temps à 14h30 donc on a du temps libre après les cours. Après le boulot, on va parfois voir notre petit pêcheur attitré du village (Djamou de son prénom) et on lui prend quelques-uns de ses petits  poissons frais : mérou, rouget barbu, capitaine,… c’est toujours un peu la surprise.

Les poissons de Djamou

Du point de vue des différences entre les élèves de métropole et les élèves mahorais, elles sont nombreuses !
Dès la rentrée, une de mes élèves de 3° était absente. La raison : elle se mariait. C’est courant ici, il faudra même s’habituer à voir des élèves du collège enceintes apparemment.
Ensuite,  pendant les cours, on a régulièrement  des élèves qui enlèvent leurs chaussures (quand ils en ont !). Quand on leur demande pourquoi, ils nous répondent que ça leur fait mal aux pieds, qu’ils sont bien mieux pieds nus… Parfois, ils n’ont pas leurs chaussures car  « c’est mon grand frère qui les a aujourd’hui ». C’est aussi ça le choc des cultures et on se demande quelques fois  si on a raison de leur imposer de venir en chaussures sachant que ce n’est pas dans leurs habitudes.
Parmi nos classes, certaines sont composées de non- lecteurs avec des effectifs plus ou moins réduits. Le niveau scolaire est vraiment bas mais avec de très grandes disparités, certains élèves ont un excellent niveau. Dans ces classes de non-lecteurs, quelques élèves ne parlent pas français et ne le comprennent pas non plus.  On se sent parfois un peu désemparés et obligés de demander à des élèves qui comprennent de traduire nos consignes en shimaoré .
En discutant un peu avec mes élèves filles de 6° à la sortie des vestiaires, je me suis rendue compte de la difficulté de leurs journées :  
« Après l’école,  on va faire la vaisselle, on fait nos devoirs, on mange et on va au lit à 19h30. On se réveille à 4h, on fait la vaisselle et on part à l’école coranique. Puis on s’occupe de nos petits frères, parce que maman elle est trop fatiguée, puis on va a l’école… »
 «Et vous avez le temps de jouer des fois ? »
« Des fois on a du temps alors on a le droit de jouer un petit peu mais c est pas souvent ».
Les garçons n’ont pas ce problème et passent leur temps libre à jouer au foot, à regarder passer les voitures… mais pas à travailler à la maison !

Sinon, les élèves sont sympas, il n’y a pas vraiment de problèmes de discipline (bon il y a toujours un ou deux loulous par classe quand même…) et dans l’ensemble, ils sont respectueux de l’adulte. Le seul problème, c’est qu’avec la chaleur et leur réveil à 4h du matin, ils sont souvent fatigués et pas vraiment motivés par l’EPS (surtout les filles avec leurs journées marathon). Les  collègues des autres matières nous disent que, régulièrement, des élèves s’endorment pendant leurs cours !

La semaine dernière, pendant son cours, Max a eu une surprise sur le stade. « Euh monsieur… attention y’a un zébu derrière vous ! ». Effectivement, un zébu passait par là (en fait il broutait paisiblement l’herbe du terrain). Ils font leur vie dans les villages, au bord des routes. Ils sont réservés pour les mariages, on ne les tue que pour les grandes occasions.

Voilà concernant notre travail ici, mais pour ceux qui nous connaissent bien, vous savez que pour nous, la vie ce n’est  pas le boulot ! On peut pleinement profiter de notre temps libre ici. Nos week-ends sont à chaque fois des vacances, et ça, c’est vraiment super ! Entre le PMT, la plongée bouteille, les ballades en kayak ou les randos comme celle du mont Choungui ; l’île a beau être petite, il y a plein de choses à faire !

Vue du mont Choungui avec Nicolas et Anaïs, des copains à Chloé et Thibault rencontrés à Mayotte




Nos petites ballades en kayak aux abords des îlots




Un aperçu  du monde sous-marin mahorais :









Cobra des mers


"Salut toi!"


"Attends, c'était pas mon bon profil"

"Aller, un petit sourire pour la peine"

Poisson trompette

Rascasse volante






Ce week-end, nous avons fait notre première plongée bouteille, c’était génial ! On a même vu un requin ce qui est assez rare a Mayotte.  Les photos seront dans un prochain article.

A bientôt, on pense bien à vous ici,

Agathe et Max.